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10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 22:25
PARTIE 3 DE 3 - LÉNINE - LE SOCIALISME ET LA GUERRE - 1915

LÉNINE - LE SOCIALISME ET LA GUERRE - 1915

PARTIE 3 DE 3

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1915/08/vil19150800b.htm  

L'unité avec les opportunistes, c’est l’alliance des ouvriers avec “ leur ” bourgeoisie nationale et la scission de la classe ouvrière révolutionnaire internationale

Autrefois, avant la guerre, l'opportunisme était souvent considéré comme une “ déviation ”, une “ position extrême ”, mais on lui reconnaissait néanmoins le droit d'être partie intégrante du parti social démocrate. La guerre a montré que c'est désormais chose impossible. L’opportunisme s'est pleinement “ épanoui ”, il a joué jusqu'au bout son rôle d’émissaire de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. L'unité avec les opportunistes est devenue un tissu d'hypocrisies, dont nous voyons un exemple dans le parti social démocrate allemand. Dans toutes les grandes occasions (par exemple, lors du vote du 4 août), les opportunistes présentent leur ultimatum et l'imposent en mettant en jeu leurs nombreuses relations avec la bourgeoisie, leur majorité dans les directions des syndicats, etc. L'unité avec les opportunistes, n'étant rien d'autre que la scission du prolétariat révolutionnaire de tous les pays, marque en fait aujourd'hui la subordination de la classe ouvrière à “ sa ” bourgeoisie nationale, l'alliance avec celle ci en vue d'opprimer d'autres nations et de lutter pour les privilèges impérialistes.

Si dure que soit, en certains cas, la lutte contre les opportunistes qui règnent dans maintes organisations, quelque forme particulière que prenne, dans certains pays, le processus d'épuration des partis ouvriers se débarrassant des opportunistes, ce processus est inévitable et fécond. Le socialisme réformiste agonise; le socialisme renaissant “ sera révolutionnaire, intransigeant, insurrectionnel ” selon l'expression si juste du socialiste français Paul Golay.

Le “ kautskisme ”

Kautsky, la plus grande autorité de la II° Internationale, offre un exemple éminemment typique, notoire, de la façon dont la reconnaissance verbale du marxisme a abouti en fait à le transformer en “ strouvisme ” ou en “ brentanisme [1] ”. Nous en avons un autre exemple avec Plékhanov. A l'aide de sophismes manifestes, on vide le marxisme de son âme vivante, révolutionnaire. On admet tout dans le marxisme, excepté les moyens révolutionnaires de lutte, la propagande en leur faveur et la préparation de leur mise en œuvre, l'éducation des masses dans ce sens. Au mépris de tout principe, Kautsky “ concilie ” la pensée fondamentale du social chauvinisme, l'acceptation de la défense de la patrie dans la guerre actuelle, avec des concessions diplomatiques et ostentatoires aux gauches, telles que l'abstention lors du vote des crédits, la prise de position verbale en faveur de l'opposition, etc. Kautsky, qui écrivit en 1909 tout un livre sur l'imminence d'une époque de révolutions et sur le lien entre la guerre et la révolution; Kautsky, qui signa en 1912 le Manifeste de Bâle sur l'utilisation révolutionnaire de la guerre de demain, s'évertue aujourd'hui à justifier et à farder le social chauvinisme, et se joint comme Plékhanov à la bourgeoisie pour railler toute idée de révolution, toute initiative allant dans le sens d'une lutte nettement révolutionnaire.

La classe ouvrière ne peut jouer son rôle révolutionnaire mondial sans mener une lutte implacable contre ce reniement, cette veulerie, cette servilité à l'égard de l'opportunisme et cet incroyable avilissement de la théorie marxiste. Le kautskisme n'est pas un effet du hasard, c'est le produit social des contradictions de la II° Internationale, de la fidélité en paroles au marxisme alliée à la soumission de fait à l'opportunisme.

Ce mensonge majeur du “ kautskisme ” se manifeste sous des formes diverses dans les différents pays. En Hollande, Roland Holst, tout en repoussant l'idée de la défense de la patrie, plaide pour l'unité avec le parti des opportunistes. Trotsky, en Russie, repoussant également cette idée, plaide aussi pour l'unité avec le groupe opportuniste et chauvin de “ Nacha Zaria ”. Rakovski, en Roumanie, tout en déclarant la guerre à l'opportunisme, qu'il rend responsable de la faillite de l'Internationale, est prêt cependant à admettre l'idée de la défense de la patrie. Ce sont là des manifestations du mal que les marxistes hollandais ( Gorter, Pannekoek) ont appelé le “ radicalisme passif ”, et qui vise à substituer au marxisme révolutionnaire l'éclectisme en théorie, et la servilité ou l'impuissance devant l'opportunisme dans la pratique.

Le mot d’ordre des marxistes est celui de la social-démocratie révolutionnaire

La guerre a, sans conteste, engendré une crise extraordinairement violente et aggravé, à l'extrême la misère des masses. Le caractère réactionnaire de cette guerre, le mensonge éhonté de la bourgeoisie de tous les pays, qui dissimule ses visées do brigandage sous le manteau de l'idéologie “ nationale ”, suscitent nécessairement, dans la situation révolutionnaire qui existe objectivement, des tendances révolutionnaires au sein des masses. Notre devoir est d'aider à prendre conscience de ces tendances, de les approfondir et de leur donner corps. Seul le mot d'ordre de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile exprime correctement cette tâche, et toute lutte de classe conséquente pendant la guerre, toute tactique sérieusement appliquée d'“ actions de masse ” y mène inévitablement. On ne peut savoir si c'est à l'occasion de la première ou d une seconde guerre impérialiste des grandes puissances, si c'est pendant ou après cette guerre, qu'éclatera un puissant mouvement révolutionnaire. Mais, de toute façon, notre devoir impérieux est de travailler méthodiquement et sans relâche dans cette voie.

Le Manifeste de Bâle invoque sans détours l'exemple de la Commune de Paris, c'est à dire la transformation d'une guerre de gouvernements en guerre civile. Il y a un demi-siècle, le prolétariat était trop faible, les conditions objectives du socialisme n'étaient pas encore venues à maturité, il ne pouvait y avoir ni corrélation ni coopération des mouvements révolutionnaires dans tous les pays belligérants; l'engouement d'une partie des ouvriers parisiens pour “ l'idéologie nationale ” (la tradition de 1792) attestait de leur part une défaillance petite bourgeoise, que Marx avait signalée en son temps et qui fut une des causes de l'échec de la Commune. Un demi siècle plus tard, les conditions qui affaiblissaient la révolution d'alors ont disparu, et à l'heure actuelle il est impardonnable pour un socialiste de renoncer à agir, très précisément, dans l'esprit des communards parisiens.

L'exemple de la fraternisation dans les tranchées

Les journaux bourgeois de tous les pays belligérants ont cité des exemples de fraternisation entre soldats même dans les tranchées. Et les décrets draconiens promulgués par les autorités militaires (Allemagne, Angleterre) contre cette fraternisation ont démontré que les gouvernements et bourgeoisie y attachaient une sérieuse importance. Si des cas de fraternisation ont pu se produire, malgré la donation totale de l'opportunisme à la direction des partis social démocrates d'Europe occidentale, et alors que le social chauvinisme est soutenu par toute la presse social-démocrate, par toutes les autorités de la Il° Internationale, cela nous montre à quel point il serait possible d'abréger la durée de la guerre criminelle, réactionnaire et esclavagiste d'aujourd'hui et d'organiser le mouvement international révolutionnaire, si un travail systématique ait effectué dans ce sens, ne serait ce que par les socialistes de gauche de tous les pays belligérants.

L’importance de l’organisation illégale

Les anarchistes les plus marquants du monde entier se sont déshonorés tout autant que les opportunistes par le social chauvinisme (dans l'esprit de Plékhanov et de Kautsky) dont ils ont fait preuve au cours de cette guerre. Un des résultats utiles de ce conflit sera sans doute qu'il tuera la fois l'opportunisme et l'anarchisme.

Sans renoncer en aucun cas et sous aucun prétexte à, utiliser la plus minime possibilité légale pour organiser les masses et propager le socialisme, les partis social-démocrates doivent rompre avec toute attitude servile devant la légalité. “ Tirez les premiers, messieurs les bourgeois ” , écrivait Engels [2], en faisant précisément allusion à la guerre civile et à la nécessité pour nous de violer la légalité après que celle ci l'aura été par la bourgeoisie. La crise a montré que la bourgeoisie enfreint la légalité dans tous les pays même les plus libres, et qu'il est impossible de conduire masses à la révolution sans constituer une organisation clandestine pour préconiser, discuter, apprécier et préparer les moyens de lutte révolutionnaires. En Allemagne, par exemple, tout ce que les socialistes font d'honnête se fait contre le vil opportunisme et l'hypocrite “ kautskisme ”, et cela, précisément, dans l'illégalité. En Angleterre, on est passible du bagne pour l'impression d'appels invitant à refuser le service militaire.

Considérer comme compatible avec l'appartenance au parti social démocrate la répudiation des procédés clandestins de propagande et les railler dans la presse légale, c'est trahir le socialisme.

De la défaite de “ son propre ” gouvernement dans la guerre impérialiste

Les partisans de la victoire de leur gouvernement dans la guerre actuelle, de même que les partisans du mot d'ordre : “ Ni victoire ni défaite ”, adoptent les uns et les autres le point de vue du social chauvinisme. Dans une guerre réactionnaire, la classe révolutionnaire ne peut pas ne pas souhaiter la défaite de son gouvernement; elle ne peut manquer de voir le lien entre les échecs militaires de ce dernier et les facilités qui en résultent pour le renverser. Seul le bourgeois qui croit que la guerre engagée par les gouvernements finira de toute nécessité comme une guerre entre gouvernements, et qui le désire, trouve “ ridicule ” ou “ absurde ” l'idée que les socialistes de tous les pays belligérants doivent affirmer qu'ils veulent la défaite de tous les gouvernements, de “ leurs ” gouvernements. Par contre, une telle position correspondrait exactement à la pensée secrète de tout ouvrier conscient et s'inscrirait dans le cadre de notre activité visant à transformer la guerre impérialiste en guerre civile.

Il est hors de doute que l'important travail d'agitation contre la guerre effectué par une partie des socialistes anglais, allemands et russes “ affaiblissait la puissance militaire ” de leurs gouvernements respectifs, mais cette agitation faisait honneur aux socialistes. Ceux ci doivent expliquer aux masses qu'il n'est point de salut pour elles hors du renversement révolutionnaire de “ leurs ” gouvernements respectifs, et que les difficultés rencontrées par ces gouvernements dans la guerre actuelle doivent être exploitées précisément à cette fin.

Du pacifisme et du mot d’ordre de la paix

L'état d'esprit des masses en faveur de la paix exprime souvent le début d'une protestation, d'une révolte et d'une prise de conscience du caractère réactionnaire de la guerre. Tirer profit de cet état d'esprit est le devoir de tous les social-démocrates. Ils participeront très activement à tout mouvement et à toute manifestation sur ce terrain, mais ils ne tromperont pas le peuple en laissant croire qu'en l'absence d'un mouvement révolutionnaire, il est possible de parvenir à une paix sans annexions, sans oppression des nations, sans pillage, sans que subsiste le germe de nouvelles guerres entre les gouvernements actuels et les classes actuellement dirigeantes. Tromper ainsi le peuple ne ferait que porter de l'eau au moulin de la diplomatie secrète des gouvernements belligérants et de leurs plans contre révolutionnaires. Quiconque désire une paix solide et démocratique doit être partisan de la guerre civile contre les gouvernements et la bourgeoisie.

Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes

La mystification du peuple la plus largement pratiquée par la bourgeoisie dans cette guerre est le camouflage de ses buts de brigandage derrière l'idée de la “ libération nationale ”. Les Anglais promettent la liberté à la Belgique; les Allemands à la Pologne, etc. En réalité, comme nous l'avons vu, c'est une guerre entre les oppresseurs de la majorité des nations du monde pour consolider et étendre cette oppression.

Les socialistes ne peuvent atteindre leur but sans lutter contre tout asservissement des nations. Aussi doivent ils exiger absolument que les partis social démocrates des pays oppresseurs (des “ grandes ” puissances, notamment) reconnaissent et défendent le droit des nations opprimées à disposer d'elles mêmes, et cela au sens politique du mot, c'est à dire le droit à la séparation politique. Le socialiste appartenant à une puissance impérialiste ou à une nation possédant des colonies, et qui ne défendrait pas ce droit, serait, un chauvin.

La défense de ce droit, loin d'encourager la formation de petits Etats, conduit au contraire à la formation plus libre, plus sûre et, par suite, plus large et plus généralisée, de grands Etats et de fédérations entre Etats, ce qui est plus avantageux pour les masses et correspond mieux au développement économique.

Les socialistes des nations opprimées, pour leur part, doivent lutter sans réserve pour l'unité complète (y compris sur le plan de l'organisation) des ouvriers des nationalités opprimées et oppressives. L'idée d'une séparation juridique des nations (ce qu'on appelle l' “ autonomie nationale culturelle ” de Bauer et Renner) est une idée réactionnaire.

L'époque de l'impérialisme est celle de l'oppression croissante des nations du monde entier par une poignée de “ grandes ” puissances; aussi la lutte pour la révolution internationale socialiste contre l'impérialisme est elle impossible sans la reconnaissance du droit des nations à disposer d'elles mêmes. “ Un peuple qui en opprime d'autres ne saurait être libre ” (Marx et Engels). Ne peut être socialiste un prolétariat qui prend son parti de la moindre violence exercée par “ sa ” nation à l'encontre d'autres nations.


Notes

[1] L. Brentano : économiste bourgeois, partisan du “ Socialisme d’État ” et à l’origine de théories visant à prouver la possibilité de réaliser l’égalité sociale dans le cadre du capitalisme.

[2] Cf. F. Engels : Le socialisme et la guerre


FIN DE L'ARTICLE


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