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Montréal, le 16 octobre 2013
LA NOUVELLE RELIGION CIVILE
Professeur Yakov Rabkin a fait référence à la proposée charte du gouvernement du Québec sur les valeurs québécoises et le tumulte qui l'entoure comme étant « une arme de
distraction massive ». Celle-ci est la description la plus concise. Loin d'être une panacée destinée à consolider les relations inter culturelles, l'objectif
du projet de loi est destiné à produire le contraire. Quel est exactement cet objectif ? C’est un dessein pour éviter que le Parti québécois ne disparaisse dans les
prochaines élections qui auront probablement lieu au printemps prochain. Compte tenu du fait que le PQ n'a pas de plate-forme pour présenter autre que la planification
économique néo -libérale qui a été imposée aux Québécois au cours des trente dernières années avec son idéologie du déficit zéro, il est confronté à un défi existentiel
important dans un Québec où il y a des inégalités sociales flagrantes. Par conséquent, on adopte la stratégie de polariser la population selon des critères idéologiques ( «
valeurs québécoises ») et tente de maintenir assez de bases électorales afin de sauver le Parti québécois de se désintégrer lors des prochaines élections. Il est également
destiné à détourner l’attention du public de la piètre performance du PQ en tant que gouvernement. Jusqu'à présent, cela fonctionne. Toute discussion sur les questions
économiques ou sociales est non existante.
Il est assez facile de trompeter le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Qu'en est-il du sort des femmes monoparentales ? Qu'en est-il des femmes qui
travaillent ? Ont-elles un salaire égal pour un travail égal dans le secteur privé ? Qu'en est-il des conditions de vie des personnes à l'aide sociale ? Le manque de logements
sociaux ? Les sans-abris, nos réfugiés internes ? Les 800 000 Québécois qui sont analphabètes et qui sont pour toute fin pratique privés de leurs droits civils ?
Aucune de ces questions ne sera abordée par l’actuel gouvernement Marois, pas plus qu'elles n'ont été abordées par les gouvernements
précédents au cours des trois dernières décennies. Derrière la clameur de la Charte dite de valeurs québécoises, derrière la trompette de l'égalité des sexes qui est plus
théoriques que pratique, se cache le vide politique béant du Québec dont les « valeurs » sont celles colportées par les marchands ambulants du marché libre sans retenue sur les
traces de Milton Friedman, ceux qui ont infligé des souffrances inutiles à des populations entières dans l'intérêt de deux pour cent de la population.
Il est évident pour les stratèges péquistes que le PQ ne sera pas en mesure d’obtenir autant de voix de la gauche (y compris la gauche souverainiste) et le Parti libéral
du Québec va probablement maintenir son vote traditionnel dans les centres urbains du Québec, surtout à Montréal. Cela laisse le PQ un seul endroit où aller et c'est de capturer
le vote caquiste sur la droite (Coalition Pour L'Avenir du Québec) sa force étant dans les zones rurales et avec des personnes âgées de plus de quarante-cinq ans. Dans la
politique américaine, cette stratégie est communément appelée de la politique du «wedge » ; on polarise les électeurs en essayant d’écumer la majorité des votes
résultant de la polarisation. C'est difficile de le faire là où il y a une multiplicité de partis politiques; cela signifie que le PQ doit effacer la CAQ pour avoir une chance
aux prochaines élections (au moins pour sauver les meubles) . C'est ce qui sous-tend vraiment les « valeurs québécoises ». Le projet de loi ne passera pas à l'Assemblée
Nationale où le PQ est dans une position minoritaire; le gouvernement le sait déjà, mais c'est seulement un point pour discussion. Le gouvernement Marois n'a pas vraiment
intérêt à ce que la loi passe, bien au contraire.
Quant à la « neutralité » de l'État dont il est censé promouvoir, cela est manifestement faux. L'État du Québec est déjà neutre et la Charte des droits et libertés du
Québec est l'énoncé même de cette neutralité. Il n'y a aucune menace pour le principe de la séparation de l'Église et de l'État au Québec. Il y a cependant une
réelle menace pour le principe de la séparation du Parti et de l'État au Québec. Pour faire de l'État le pivot de considérations éthiques comme le gouvernement
péquiste propose de faire, c'est d'identifier l'État avec un certain système de croyance que l'on devrait normalement attribuer à une institution religieuse. En observant le
tumulte récent, je suis enclin à voir en lui les aspirations (à la fois pour des raisons électorales et idéologiques) d'une petite caste sacerdotale laïque à transformer l'État
dans le temple de la nouvelle religion civile dont le premier acte officiel était d’excommunier Maria Mourani pour hérésie.
Bruce Katz
Montréal